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Hadopi 3: interdire le streaming illégal

Ou: Si tu ne sais pas de quoi tu parles, par pitié tais-toi…

J’ai grandi dans un monde magique ou il était inutile d’interdire l’illégal, puisque illégal signifiait interdit par la loi. Certes, on pouvait avoir besoin d’empêcher l’interdit, car comme toute règle, la loi n’était jamais respectée par tous. C’était la différence entre un panneau « défense d’entrer » et un mur.

Alors quand j’entends parler d’interdire les activités illégales, forcement, je me pose plein de questions.
Est-ce juste une erreur de terminologie? Du coup si je lis empêcher (ou réprimer), ai-je l’idée de mon interlocuteur?
À quoi sert une loi si elle n’est jamais appliquée? Et peut-il y avoir interdiction sans sanction des contrevenants?

Il peut y avoir réglementation sans sanction. Je pense par exemple aux consignes du CSA que certaines chaînes de TV enfreignent joyeusement. Le dit CSA prend garde de ne pas le relever car quand d’aventure il s’insurge dans un rappel à l’ordre furieux, il démontre son absence de pouvoir de sanction.

Le streaming, puisque c’est le visage que les médias cherchent à donner à la cyber-délinquance, est un autre interdit pas toujours punissable. Si un site hébergé dans un pays qui ne partage pas notre définition du droit d’auteur, diffuse sur internet une œuvre dont notre droit restreint la diffusion, il est impossible de le contraindre à s’arrêter.
L’idée de nos dirigeants est de « punir » le site indélicat en le privant de toute audience sur le territoire français. On ne l’empêchera pas de fournir le contenu qu’on ne lui reconnaît pas le droit de fournir mais on empêchera les internautes français d’en profiter. On punira du même coup les internautes qui n’auront plus accès à ce contenu.

Permettez moi une analogie. Il est interdit de tenir publiquement des propos racistes. Si tenir les mêmes propos lorsqu’on est seul dans un lieu privé, n’est pas répréhensible, c’est uniquement parce que le plus grave si on captait ces propos chez vous, ce ne serait pas votre discours, mais la surveillance dont vous feriez l’objet.
Or pour empêcher un internaute d’accéder à un contenu, il faut installer un système d’écoute sur sa ligne. Ce système va espionner ses communications et décider quelles communications l’internaute a le droit d’avoir. Pire, si le système d’écoutes juge une communication interdite, il l’empêchera tout simplement.

Techniquement, avec le P2P, celui qui télécharge distribue en même temps le fichier qu’il récupère. Les ordinateurs s’échangent des petits bouts de fichiers. D’ailleurs, ce qui est condamné, c’est les morceaux qu’on envoie, pas ceux qu’on reçoit. Or avec le streaming on n’envoie plus rien. On reçoit seulement.
Donc on va mettre tout le monde sur écoute, sauvagement, pour l’empêcher d’avoir des communications qui… attendez une seconde… mériteraient qu’on punisse justement pas celui qu’on surveille mais l’autre!

Pour toutes les infrastructures qui relient votre machine à internet, c’est le même impact: vous recevez seulement. Et évidemment, vous recevez ce qu’un site étranger envoie. Ça fait beaucoup de données qui circulent dans un seul sens, comparé avec l’échange entre des machines les plus proches possibles qu’on observait sur le P2P. Ce déséquilibre pose des problèmes techniques dans lesquels je ne vais pas rentrer ici.

Mais au fait, le streaming, c’est quoi? En fait c’est tout simplement ce vers quoi les internautes se sont tournés le plus massivement quand la HADOPI  est arrivée. Car cette merveilleuse autorité n’a pas fait stopper le téléchargement mais lui a plutôt fait changer de forme. Si on risque de se faire couper internet avec le P2P, on passe au streaming et plus de problème. Si on empêche le streaming, les internautes passeront au direct download. Ou alors ils crypteront massivement leurs échanges, y compris pour échanger des films qui n’ont rien de confidentiel.

Ces solutions ont déjà trouvé des adeptes depuis l’avènement de la HADOPI. Pour la petite histoire c’est les militaires que cela dérange le plus. Autrefois ceux qui avaient un truc à cacher cryptaient leurs échanges, les autres non. Il est devenu bien plus difficile, comme nous le signalaient récemment les américains, de repérer les pédophiles et les terroristes au milieu des films cryptés que s’échangent de plus en plus de français…

PS: Quelques liens pour les gens qui voudraient des éléments factuels pour appuyer leur réflexion sur le sujet:

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